article de Thierry Hillériteau
Le Figaro, édition du lundi 11 avril 2016
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Le Figaro - édition du lundi 11 avril 2016
Par Thierry Hillériteau
Les flammes jaillissent du brasier, qu’on alimente avec des feuillets de poésie. En fond de scène, une forêt de fétus de paille. Côté jardin, un piano droit auquel un éclairage bricolé donne des airs de bastringue. Côté cour, plusieurs bottes de paille, empilées à la hâte, forment un lit de fortune.
Ce décor, c’est celui du Journal d’un disparu de Leos Janacek, tel que la jeune metteur en scène Louise Moaty l’a réinventé pour les besoins de la compagnie nationale de théâtre lyrique et musical l’Arcal. La production itinérante faisait, il y a une semaine, halte à la POP : la nouvelle Péniche Opéra de Geoffroy Jourdain et Olivier Michel, amarrée sur le bassin de la Villette, à Paris. Elle reprendra du service dès septembre prochain, pour plusieurs représentations, au Festival d’Île-de-France.
Retour aux sources de la partition
La version intimiste proposée ici se veut à la fois un retour aux sources de la partition (un cycle de mélodies aux allures de cantate, que le compositeur n’avait au départ pas envisagé comme une œuvre scénique) et un hommage à la culture rom déjà présent dans l’ouvrage. Projection de sa propre passion interdite pour une jeune fille de 38 ans sa cadette, le Journal d’un disparu conte en effet la disparition d’un paysan tchèque, ensorcelé par une Tsigane qu’il finira par suivre dans son exil après un voyage initiatique dans la « nuit du désir ». Si l’œuvre d’origine est centrée sur la figure du paysan, dans lequel se dépeint Janacek, Louise Moaty réussit le tour de force de renverser le point de vue. Il place la Tsigane au cœur de la scène.
Elle s’appuie pour cela sur des textes magnifiques de la poétesse rom Papusza (« la poupée »). Une contemporaine de Janacek, dont le destin tragique résume à lui seul l’exil permanent des Gitans.
Lus tour à tour en français ou en romani, ses poèmes, entrecoupant les mélodies de Janacek en langue morave, sortent la pièce du folklore dans lequel on l’a souvent enfermée…
Ils lui apportent une dimension plus universelle, mais aussi une sensibilité féminine unique puissamment rehaussée par la présence scénique exceptionnelle de la mezzo-soprano Albane Carrère. Timbre épais et velours comme la nuit, regard de braise, elle campe une enchanteresse de l’amour plus vraie que nature.
Dans le rôle du paysan Janick, prêt à fondre sous ses charmes, le ténor Paul Gaugler impressionne autant par la qualité de son chant que par sa diction.
Quant au pianiste Ienissei Ramic – également d’origine rom –, il parvient à faire oublier les différentes orchestrations dont le cycle a fait l’objet pour le rendre à sa pureté originelle.
article de Thierry Hillériteau
Le Figaro, édition du lundi 11 avril 2016